Force est de constater que nous vivons dans un monde fracturé. Ainsi en va-t-il notamment des rapports entre Islam et Occident. De nos jours, il existe dans les mondes musulmans des mouvances radicales qui abhorrent et combattent la civilisation occidentale et les « mécréants ». En face, il est couramment admis que l'islam est une religion régressive et barbare, incompatible avec les valeurs démocratiques, républicaines et laïques. Serions-nous alors sur la voie d'une « guerre de civilisations » ?
Ce livre propose une réflexion sur ces idées toutes faites qui ne cessent de circuler et expliquent l'impossibilité d'un « vivre-ensemble ». Il repose sur une analyse en termes de représentations et d'imaginaires qui va au-delà de l'actualité immédiate et des visions qu'elle porte. L'islam des islamistes et des jihadistes n'est qu'une interprétation contemporaine et contingente de la religion musulmane. Il s'inscrit dans un retour du religieux, certes dévoyé et belliqueux, que l'Occident sécularisé a du mal à concevoir, tant il a une conception caricaturale de l'islam.
Au fond, cet ouvrage suggère qu'il est nécessaire d'accorder de l'importance et de prendre au sérieux les discours que chaque camp tient sur l'Autre, avec l'idée qu'il convient d'en connaître la grammaire afin de pouvoir les dépasser et parvenir ainsi à des relations apaisées. Il donne quelques clefs permettant de retrouver la voie du dialogue entre Orient et Occident.
Le quatrième évangile, appelé l'évangile de Jean, est une source biblique importante pour le christianisme. Il a joué un rôle déterminant dans l'élaboration des credo des IVe et Ve siècles qui ont durablement fixé la compréhension de la personne de Jésus dans le cadre d'une culture grecque qui n'est plus la nôtre. Au terme de cinq années de travail fondées sur les études des exégètes, John Spong en est arrivé à penser que cet Évangile doit être relu comme un livre juif, écrit pour des Juifs devenus chrétiens à la fin du premier siècle de notre ère, 65 ou 70 ans après la crucifixion.
Cet ouvrage explore les raisons pour lesquelles la religion chrétienne, qui a « formaté » la presque totalité de la culture occidentale jusqu'à une époque récente, est maintenant répudiée par la majeure partie des Occidentaux. Cette sortie de la religion, dont parlent sociologues et philosophes, et dans laquelle se reconnaissent de nombreux chrétiens, est l'aboutissement d'une longue histoire. Elle va du Néolithique à ces derniers siècles où les humains se sont émancipés de l'explication religieuse de l'Univers.
Deuxième édition revue à l'occasion de la venue mi-juin 2015 de l'auteur John Shelby Spong à Paris pour la parution de Né d'une femme. Conception et naissance de Jésus dans les évangiles.
John Shelby Spong, qui appartient à l'Église épiscopalienne des États-Unis (tradition anglicane), a été pendant vingt-cinq ans évêque de Newark dans le New Jersey. Dans son travail de terrain, il a très vite réalisé que le message sur Jésus était devenu confus, voire incompréhensible, pour beaucoup de femmes et d'hommes, rebutés par des textes enveloppés de mythes, de légendes et d'interprétations d'une autre époque. À partir d'une relecture des textes, il nous propose dans cet ouvrage un portrait du Jésus réel, à la fois prophète, porteur d'un message de fraternité et inventeur d'une voie dans laquelle le monde traditionnel du divin se trouve bouleversé. Il aborde avec la plus grande lucidité des sujets comme la naissance et l'enfance de Jésus, les miracles, la résurrection et l'ascension de Jésus. La version originale (Jesus for the Non- Religious, 1re éd. 2007 chez HarperCollins) s'est vendue à plus de cent mille exemplaires et a suscité un écho de grande ampleur dans le monde anglo-saxon.
L'ouvrage de l'évêque J. S. Spong se situe dans la lignée des recherches qui, depuis le XIXe siècle surtout, ont entrepris de faire le tri, dans les quatre évangiles et les autres parties du Nouveau Testament, entre l'expérience faite en et avec Jésus et la culture alors disponible dont on s'est servi pour la dire. Cet énorme travail s'est encore accéléré dans la seconde moitié du XXe siècle, comme l'ont montré les livres de Jacques Giri, Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme (Karthala, 5e éd. 2015), et de José Antonio Pagola, Jésus, approche historique (Le Cerf, 2012).
Encore aujourd'hui, ce travail critique reste trop souvent entre les mains des exégètes et des spécialistes. Beaucoup de chrétiens, et de catholiques en particulier, n'y ont pas accès ou ne perçoivent pas les conséquences considérables que ces acquis devraient apporter dans les prédications et les homélies, dans la rédaction des catéchismes, dans les prises de parole des évêques et du pape et, tout simplement, dans la culture religieuse et les débats de société.
En s'inscrivant dans ces traditions critiques, Jésus pour le XXIe siècle est un essai libre et franc pour donner sens et puissance à une vie de Jésus revisitée.
Au début du XVIe siècle, le christianisme était en crise, en proie à des conflits qui donnèrent naissance à la Réforme protestante. Un peu plus tard, le mouvement de Martin Luther fut suivi par une période révolutionnaire dans les connaissances humaines. Ces évolutions historiques et scientifiques eurent pourtant peu d'impact sur l'adhésion des chrétiens à des doctrines élaborées durant les premiers temps de l'ère chrétienne. C'est la raison pour laquelle le christianisme est devenu « in-croyable » (Unbelievable).
L'exégète biblique et évêque John Shelby Spong soutient l'idée que le déclin progressif des Églises nécessite d'élaborer un tout nouveau genre de christianisme : une foi profondément en phase avec l'expérience humaine plutôt qu'avec des dogmes dépassés. Pour la vitalité du christianisme, il lance un appel aux chrétiens à actualiser leur foi à la lumière des progrès dans nos connaissances, notamment bibliques, et à questionner les enseignements rigides qui se sont renforcés avec la Contre-Réforme catholique.
Par sa résistance révolutionnaire à l'autorité de l'Église au XVIe siècle, le mouvement de Luther peut encore servir de modèle, selon Spong, pour les chrétiens insatisfaits d'aujourd'hui. Alors que les réponses des Réformateurs sont, elles aussi, devenues insuffisantes, leur démarche peut encore nous servir de guide. L'idée de Dieu a-t-elle encore un sens ? Pouvons-nous encore en toute honnêteté suivre les credo historiques ? Des prétentions telles que l'infaillibilité du pape ou l'inerrance de la Bible ne sont-elles pas irrecevables ?
L'auteur expose ici douze « thèses » pour aider les croyants d'aujourd'hui à reformuler leur foi. Avec cet ouvrage qui conclut sa carrière d'écrivain, l'évêque Spong continue à conjuguer une tradition intellectuelle rigoureuse et la recherche d'une foi chrétienne innovante. Son approche incite les chrétiens et autres croyants à entrer dans des perspectives qui donnent sens.
Reconnu pour sa solide culture biblique, fondée sur les travaux de l'exégèse moderne et pour sa bonne connaissance de l'hébreu et du grec, John Shelby Spong développe ici le grand intérêt à lire les évangiles avec des lunettes juives, en s'appuyant en particulier sur les travaux de l'exégète anglais Michaël Goulder. La méthode du midrash, qui consiste à raconter l'histoire de Jésus en lien avec l'histoire sacrée du peuple juif, est en effet partout présente dans le Nouveau Testament et tous les évangiles sont des livres profondément juifs.
« Nul ne guérit de son enfance » chante Jean Ferrat. En ouvrant son livre, Paul Fleuret raconte son enfance éprouvée. Par le prénom reçu comme un poids de mort, comme le présage d'un chemin de vie difficile. Par la vie familiale avec son lot de problèmes, tempérés cependant par la richesse de sa diversité. Par le traumatisme causé par l'agression d'un pédophile.
La résurrection de Jésus se trouve au fondement même du christianisme. C'est cette expérience appelée « Pâques » qui a propulsé le mouvement chrétien dans l'histoire. John S. Spong tente donc, dans ce livre, de reconstruire le moment de cette expérience qui a transformé des disciples effondrés en intrépides témoins.
La grande préoccupation de l'évêque John Shelby Spong a toujours été de sauver la Bible d'une lecture littéraliste. Tranchant sur la pratique de nombre de ses pairs, anglicans et catholiques, sa démarche est de relire l'Ancien Testament et le Nouveau, en tenant compte de la recherche exégétique des deux derniers siècles. Il est l'un des pionniers de l'initiation du grand public à une lecture de la Bible selon la méthode critique.
Aujourd'hui encore, les courants fondamentalistes (évangéliques, pentecôtistes...), mais pour une part aussi les Églises établies s'en tiennent à une reprise mot à mot de textes écrits il y a deux millénaires, et bien plus pour la Bible juive, dans le cadre de pensée de l'époque. Beaucoup de croyants n'ont simplement pas été tenus au courant des études entreprises depuis le XIXe siècle. Le jour où les Églises catholiques et protestantes offriront au monde une alternative au fondamentalisme biblique reste donc à venir.
J. Spong a jugé indispensable de faire entendre une autre voix dans l'arène publique. Son but dans ce livre est d'abord de libérer la Bible de l'emprise de ceux qui en font une vérité littérale, puis d'embrasser toute l'histoire sacrée à un niveau intellectuel auquel le littéralisme n'est jamais parvenu. Aux chercheurs, cet ouvrage paraîtra élémentaire. Pour les lecteurs qui n'ont qu'un souvenir imprécis des récits bibliques, il pourra être éclairant et stimulant. Son espoir est que, grâce à sa lecture, les fidèles des Églises chrétiennes autoriseront leurs esprits du XXIe siècle à découvrir une vérité de la Bible qui offre toujours un message de vie et de lumière.
John Shelby Spong a été évêque de Newark (1976-2000) dans l'Église épiscopalienne des États-Unis (tradition anglicane). Il est l'un des rares intellectuels chrétiens à ouvrir les portes d'un christianisme pour notre temps. On lui doit notamment Jésus pour le XXIe siècle (Karthala, 2e éd. revue, 2015).
Notre époque assiste à une montée des fondamentalismes religieux. Dans des milieux en crise d'identité profonde, ce type de conviction peut sécuriser en donnant des repères considérés comme sûrs, immuables, véridiques. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la proclamation de l'État islamique d'Irak et du Levant, la nébuleuse fondamentaliste islamique, dans sa forme djihadiste, inquiète par sa capacité croissante à attirer des musulmans et à recruter des non-musulmans fraîchement convertis, jusqu'en Europe.
Or l'extrémisme d'inspiration musulmane, perçu à travers une actualité dramatique, ne se réduit pas à des conjonctures sociales et internationales. Il s'inscrit dans un fondamentalisme religieux particulier ou, plus exactement, dans un faisceau d'idéologies politico-religieuses qui, depuis plus d'un siècle, ont circulé dans les sociétés du monde musulman, surtout dans sa partie arabe, en réponse à une série de crises internes et externes.
Malgré sa pertinence, l'analyse sociopolitique n'est donc pas en mesure, à elle seule, de rendre compte de la dérive fondamentaliste. La nature religieuse du phénomène ne peut être éludée. Elle implique une prise en compte des logiques inhérentes à la réflexion théologique. C'est ce que les spécialistes de l'islam réunis autour de Michel Younès ont entrepris d'expliquer. Ils vont au-delà d'une représentation superficielle de ce courant de pensée et des mobilisations qu'il inspire. Ils nous aident à comprendre plus profondément un phénomène religieux et politique devenu crucial en ce début du xxie siècle.
Michel Younès, professeur de théologie et d'islamologie à l'Université catholique de Lyon, dirige le Centre d'études des cultures et des religions (CECR). Ont contribué à cet ouvrage : Samir Amghar, Maurice Borrmans, Malek Chaieb, Bénédicte du Chaffaut, Philippe Dockwiller, Ali Mostfa, Emmanuel Pisani, Haoues Seniguer, Bertrand Souchard et Michel Younès.
Préface de Ghaleb Bencheikh
Évangélisées depuis le début du XIXe siècle, les sociétés douala de la côte et bamoun de l'ouest du Cameroun ont connu une forte interaction des univers culturels autochtones et étrangers. Le missionnaire protestant Jean-René Brutsch, en poste dans le pays de 1946 à 1960, a été un acteur engagé dans cet échange et dans les dynamiques de transculturation du christianisme qu'il a suscitées, non seulement dans la population, mais également chez les missionnaires. Tel est le sujet principal de cet ouvrage, redevable, comme nombre de travaux historiques, du riche fonds d'archives de Brutsch conservé au Défap - Service protestant de mission (Paris).
Explorant le champ de la transculturation, l'auteure analyse l'enthousiasme avec lequel le peuple douala répondit à l'appel du christianisme comme une stratégie de survie de sa culture. Appliquée au peuple bamoun, l'analyse révèle un rapport différent avec l'altérité chrétienne du fait de l'intrusion de l'islam provoquant des mutations culturelles inédites.
D'une manière inédite l'ouvrage s'intéresse au retentissement de l'altérité autochtone sur la personnalité et l'oeuvre de certains missionnaires au Cameroun dont Idelette Allier-Dugast, devenue ethnologue et Jean-René Brutsch, resté pasteur. Leurs trajectoires réciproques illustrent le caractère bouleversant d'une expérience missionnaire, confrontée à la différence culturelle. Ils en sont tous deux sortis nantis d'une identité de traverse de sorte que la mission, souvent regardée comme vecteur exclusif de civilisation, a fait l'expérience, elle aussi, d'une altérité qui ne l'a pas laissé indemne.
En 1994, un synode romain, cet exercice régulier organisé par les derniers papes, avait été consacré aux Églises d'Afrique au sud du Sahara. Les travaux en furent publiés l'année suivante sous le titre Ecclesia in Africa. Le présent ouvrage, qui réunit une quinzaine d'auteurs, nous en propose une lecture prospective en identifiant les questions brulantes pour notre temps.
L'urgence écologique engendre un bouleversement qui nous interroge sur les fondements de notre existence, exigeant de nous un changement radical des moeurs et un nouveau style de vie et de pensée. Les Églises sont invitées à saisir ce signe des temps que constitue le défi climatique pour proposer une manière nouvelle de faire la théologie qui prenne en compte les impératifs environnementaux. C'est le cri de ce livre qui se concentre plus particulièrement sur la situation africaine. Car, selon les experts, le continent africain subira durement les effets du réchauffement et des variations climatiques : sécheresse, épuisement des ressources naturelles, appauvrissement de la biodiversité, déficit de pluviométrie, etc. Revisitant l'histoire de la théologie africaine, l'auteur examine l'importance accordée aux questions concernant le cosmos, la nature, la place de l'homme dans l'univers, sa relation à Dieu ou aux dieux. Son propos est une invitation, ancrée dans les connaissances contemporaines sur l'écologie, à confronter nos idées liées à la tradition chrétienne, aux cosmogonies et aux mythes fondateurs de l'anthropologie africaine. Une meilleure compréhension de la révélation incitera le croyant à modifier ses représentations de Dieu et à préciser ses engagements. Ce livre donne ainsi des pistes pour engager les communautés chrétiennes dans un dialogue avec tous, pour la sauvegarde de la nature, la défense des pauvres et la construction de réseaux de respect et de fraternité.
Dès les premières pages, Philippe Liesse nous livre son projet d'auteur : écrire sa propre partition sur ce qu'il a vécu, sur ce qu'il est aujourd'hui, sur ce qu'il a choisi de vivre dans l'avenir. Son parcours est en effet original et sa démarche riche d'authenticité. D'abord comme professeur de religion dans l'enseignement public belge, un monde de la laïcité qui l'a rapidement interrogé et où son souci a été de montrer aux élèves comment lire le monde dans un écho de la Bonne Nouvelle.
Vingt ans plus tard, quand il choisit la voie du diaconat, c'est pour s'engager sur le chemin d'une Église qui ne soit pas centrée sur elle-même, mais ouverte sur le monde. Son itinéraire sera celui d'un diacre non aligné. Non aligné, quand il tourne le dos aux certitudes, dans l'intuition que la vérité n'est pas à prendre toute faite ; non aligné, quand il avance que la vie chrétienne ne peut progresser que si l'on coupe le cordon clérical.
Comment dès lors être fidèle au message de Jésus « en Église » ? Cette dernière a-t-elle du sens si elle n'est pas viscéralement reliée au projet de faire grandir en humanité ? Une Église qui déploie sa vie dans les sacristies ou dans les solidarités humaines ? Tout un programme.
Des mots sur Dieu qu'il nous faut simplifier, en passant par l'homme de Nazareth que nous avons sans cesse à redécouvrir, jusqu'aux questions que pose une Réforme du christianisme, voici un livre écrit sans langue de bois et qu'on lira avec plaisir, comme une respiration. L'auteur nous parle en terminant des livres qu'il a aimés, et qu'il conserve dans ce qu'il appelle son cellier.
A 29 ans, Jacques Tribout interrompt une belle carrière dans l'industrie pour se mettre pendant cinq ans au service des Indiens en Équateur (d'octobre 1981 à novembre 1986). Il va le faire sous la houlette de Léonidas Proaño (1920-1988), évêque de Riobamba de 1954 à 1985. À travers sa découverte de la réalité du pays et son propre partage de la vie des habitants, l'auteur nous présente « l'évêque des Indiens », qui choisit d'être pauvre parmi les pauvres. Emprisonné sous la dictature militaire et dénoncé aux instances romaines qui déclencheront contre lui une enquête pour juger de la manière apparemment non orthodoxe de gérer son diocèse, il est celui qui, sous l'impulsion du Concile Vatican II, a inventé une nouvelle façon d'être Église. Pour Mgr Proaño c'est en libérant l'Église du cléricalisme qu'elle peut à son tour devenir libératrice.
Le diocèse de Riobamba devient un laboratoire de la théologie de la libération, de l'option préférentielle pour les pauvres, des communautés ecclésiales de base. Jacques Tribout, ou plutôt Santiago comme il est connu là-bas, raconte son insertion dans ce formidable mouvement qui a permis aux Indiens de sortir du servage. Les équipes de l'évêque libèrent la Parole, et la Parole libère un peuple opprimé. L'Église elle-même est secouée par le mouvement qu'elle a fait naître.
À la suite de Mgr Proaño, mais à bien moindre conséquence, cela vaudra aussi à Jacques Tribout de devenir suspect aux yeux de la police, au point qu'il préfèrera, profitant d'une opportunité, quitter l'Équateur à bord d'un bananier, évitant ainsi la police des frontières de l'aéroport international de Quito.
Depuis longtemps, la figure de l'homme qui quitte l'état clérical est connue et discutée. Mais, face à ce qui est devenu un phénomène massif depuis les années 1970, les interprétations continuent de diverger. Le catholique de la tradition idéalise toujours la figure du prêtre, en l'assimilant au culte et à la paroisse. Son statut, saturé de sacré, est à conserver, faute de quoi le christianisme court à sa perte.
Pour le catholique entré dans une nouvelle compréhension de la foi, c'est une conduite considérée comme normale qu'un homme souvent entré jeune dans la prêtrise, avec l'obligation d'un célibat à vie, se remette en question.
Ma longue métamorphose se présente comme le récit autobiographique d'une vie passée pour une grande part dans ce XXe siècle qui a bouleversé tant de choses. Pierre Lebonnois y revisite son histoire personnelle et professionnelle, avec les images de la chrysalide et de la métamorphose qui ponctuent la naissance et l'existence de tout vivant. Comment passer d'un état, où l'on est séparé de la vie ordinaire des gens par un surmoi religieux, à la redécouverte de son moi humain qui vous met sur un pied d'égalité avec les autres ? Le lecteur pourra y retrouver la démarche de Marcel Légaut, avec son insistance à ce que l'on parte de l'humain, et celle d'Eugen Drewermann, prêtre allemand devenu psychanalyste dont les écrits innovants furent condamnés par la hiérarchie catholique au début des années 1990.
Cet ouvrage nous livre aussi les intuitions et les espérances de Pierre Lebonnois sur l'avenir de la société et, en particulier, sur celui des chrétiens. Il pourra intéresser toute personne en recherche d'humanité et de sincérité dans ses choix d'existence personnels et collectifs.
Le christianisme est-il en train de s'éteindre, comme le répètent les oracles de la décadence ? Une quinzaine de chrétiens ont accepté de se livrer à une opération vérité. Ils ont décidé de prendre le temps et la plume pour livrer un témoignage de leur foi chrétienne, une attestation approfondie et critique des « raisons » qu'ils ont de croire.
Cet ouvrage fait suite à la journée d'études du 5 octobre 2019 sur John Shelby Spong, lors de laquelle furent aussi discutées les idées de Joseph Moingt sur l'esprit du christianisme et cette partie de la théologie protestante familière de la culture moderne : la théologie du process et le protestantisme libéral. Cent quarante personnes ont participé à cette rencontre : des chrétiens en recherche, qui ont quitté la foi traditionnelle, s'en sont éloignés ou s'y trouvent mal à l'aise en raison des doctrines, des langages, des rites et de positions devenus obsolètes.
La crise abordée ici, en particulier celle de l'Église catholique, ne se situe pas d'abord au niveau de l'organisation ou des structures des Églises. Beaucoup plus en profondeur, elle touche le coeur même du christianisme et la façon d'exprimer une fidélité vivante à Jésus de Nazareth qui, il y a vingt siècles, a donné son nom à notre « ère commune ».
Le lecteur trouvera d'abord exposée la proposition de l'évêque Spong en réponse à sa question de base : pourquoi le christianisme doit changer ou mourir. Joseph Moingt, jésuite, nous questionnera sur une Église catholique toujours structurée autour du sacerdoce des prêtres et qui laisse peu de place aux laïcs. À travers la théologie du process, le pasteur Jean-Marie de Bourqueney nous ouvrira une fenêtre sur la recherche de Dieu comme énergie et puissance de vie.
Si l'on ajoute les témoignages de personnes et d'un groupe sur l'étude des écrits de Spong, et les échanges qui ont ponctué la rencontre du 5 octobre, ce livre prend la forme d'un manifeste pour un christianisme d'avenir. Un christianisme ouvert et crédible, qui concerne notre génération.
Des religieux sur les routes de l'exil... L'épiscopat français reçu en corps au Vatican... Les documents de la couverture bornent le chemin d'histoire du catholicisme français que le livre propose, entre les crises qui opposent l'État et l'Église catholique à l'aube du XXe siècle et le concile Vatican II. Les vingt-quatre chapitres analysent des événements, des groupes, des personnalités, des débats pour revisiter soixante-dix années souvent agitées.
Le premier ensemble est centré sur les crises et les ruptures des décennies 1900 et 1910, de l'offensive contre les congrégations religieuses à la Première Guerre mondiale en passant par la loi de séparation de 1905 qui entraîne des transformations décisives pour l'Église catholique en France.
Le deuxième ensemble explore les voies du changement dont les formes sont très diverses dans le demi-siècle qui suit la «guerre des deux France»: mobilisations militantes, initiatives pastorales et missionnaires, pensée et action sociales, affrontements intellectuels.
Le troisième ensemble aborde les années 1960 et 1970 marquées par l'événement Vatican II et ses conséquences durables en observant la participation française au concile, les changements diplomatiques et politiques, les tensions ecclésiales et sociales dans la France gaullienne confrontée à Mai-68.
« Dieu » n'est plus une évidence ni une nécessité dans notre monde occidental, progressivement sécularisé depuis le siècle des Lumières. Jusqu'alors, la foi en Dieu s'imposait sociologiquement et n'était remise en cause que par des minorités. Avec le développement de la rationalité comme exigence sociale et individuelle, on a commencé à discuter et à mettre en cause des vérités venant de la Tradition et prônées par voie d'autorité. L'athéisme est apparu et a fait tache d'huile. Campant sur leur doctrine traditionnelle, les Églises ont souvent réagi en condamnant ceux qui s'essayaient à repenser le christianisme et ses sources. Mais la culture du débat s'est imposée peu à peu et, aujourd'hui, elle va de soi.
Ceux pour qui l'héritage chrétien garde sa valeur sentent la nécessité de le réinterpréter. Ils ne peuvent plus adhérer à des affirmations et à des représentations de Dieu qui datent d'époques culturellement révolues. Sont en effet problématiques celles qui présentent Dieu comme tout-puissant, omniscient, clé de voûte du monde, maître de l'histoire, ayant un projet sur les sociétés et sur chacune des vies humaines, révélant ses volontés aux hommes, notamment en s'incarnant parmi eux et en déléguant à certains la mission d'être des authentiques interprètes de ses desseins.
Y a-t-il une autre approche de Dieu qui soit crédible pour des femmes et des hommes vivant dans un monde sécularisé ? Une approche qui s'enracine dans la manière d'inventer leur existence personnelle et sociale avec authenticité ? Est-il ainsi possible de pressentir le mystère de Dieu à partir du mystère de l'homme ? En quoi cette approche rejoint-elle celle de Jésus de Nazareth ? C'est à ces questionnements que l'auteur, lui-même chrétien, s'essaie à répondre. Il expose sa recherche longue d'une quarantaine d'années, éclairée par les apports de devanciers et de contemporains.
De leur victoire électorale à la répression féroce qu'ils ont subie après le coup d'État du maréchal Sissi, les Frères musulmans égyptiens ont connu un destin mouvementé depuis la révolution de 2011. Par-delà ces événements, le défi majeur qui s'est imposé à cette organisation islamiste a été de sortir de l'ambivalente clandestinité à laquelle elle était tenue sous l'ancien régime. Depuis des décennies, la Gama`a des Frères musulmans, ce mouvement de nature indéfinie, interdit mais toléré, à la présence sociale aussi étendue que déniée, existait comme un « secret public ».
Une plongée ethnographique dans trois quartiers du Grand Caire permet de montrer comment ce secret public façonnait l'ancrage social de la Gama`a et quels étaient les ressorts de sa mobilisation sous le régime de Moubarak. Au fil des pratiques quotidiennes d'action politique et sociale de leurs députés, apparaît une tension irréductible entre la large implantation des Frères musulmans dans la société, et la perpétuation, en leur sein, d'un entre soi clos et hiérarchisé. Dans l'interdépendance entre les structures de l'ancien régime et les réseaux des Frères, des processus de politisation, diffus et aléatoires, reposaient sur les sociabilités locales et des sensibilités éthiques partagées.
Au-delà du seul cas égyptien, ce livre invite à penser l'imbrication des logiques de coproduction et de contestation de l'ordre autoritaire. Il éclaire aussi d'un jour nouveau les néoconfréries nées de la réforme de l'islam, au début du XXe siècle, et les dynamiques internes des mouvements islamistes.
Marie Vannetzel est chargée de recherche au CNRS (Centre universitaire de recherche sur l'action publique et le politique, UMR 7319), et participe au programme ERC-CNRS « When authoritarianism fails in the Arab World » (WAFAW).
Fils de petits paysans normands, Daniel Bonnechère (1927-2020) connut la guerre et l'exode avec sa famille. Marqué par le scoutisme et un service militaire qui le mènera successivement au Maroc, en Algérie et en Allemagne, il entre au Séminaire d'Issy-les-Moulineaux en 1948. Il y restera jusqu'en 1952 où il rejoindra comme stagiaire la paroisse de Saint-Hippolyte dans le 13e arrondissement de Paris. Dirigée par un prêtre de la jeune Mission de France, cette paroisse est alors, dans un quartier ouvrier, un centre d'initiatives sociales et d'innovations liturgiques. C'est là que naît chez Daniel sa vocation de prêtre-ouvrier (PO) qu'il concrétisera, lors de son ordination en 1955, en entrant à la Mission de France.
Vicaire à Saint-Hippolyte pour la période 1955-1967, il va se mettre au travail à temps partiel de 1958 à 1965, ensuite à plein-temps dans le métier de soudeur. D'abord dans diverses entreprises, comme Babccok, puis chez Renault Billancourt en 1970 où il restera jusqu'à sa retraite. Bien qu'alors marié, c'est là qu'il réalisera pleinement son engagement de PO. Le combat pour la dignité de ceux qui travaillent à la chaîne et la responsabilité syndicale vont prendre le dessus sur la dimension cultuelle de la vie du prêtre ordinaire. Son livre apporte une riche information sur cette période de la régie Renault, notamment ses innovations technologiques et le travail des OS assuré par un nombre croissant d'immigrés. Vingt-neuf ans après la fermeture de la gigantesque usine de Billancourt en 1992, les anciens travailleurs de l'île Seguin réclament toujours la création d'un lieu de mémoire.
En 1969, Daniel avait fait le choix du mariage avec Michèle Bartoli. Cet acte de liberté sur l'obligation du célibat à vie créera une situation de fait à la Mission de France. Son récit nous restitue ainsi les luttes et les expériences de la seconde moitié du XXe siècle, avec des formes nouvelles de solidarité. Alors que la crise du christianisme et de l'Église catholique s'avère aujourd'hui profonde et durable, ce livre, écrit par son épouse en forme de témoignage, est éclairant et porteur d'espérance.
Cet ouvrage rend compte d'une double libération. Celle de l'Église d'Amérique Latine qui a fini par suivre les recommandations du concile Vatican II, et celle de deux êtres humains qui ont tenté de mettre en pratique « l'option préférentielle pour les pauvres » dans leur chemin de vie personnel d'abord, commun ensuite.
Ce que Claude et Nelly ont réalisé avec des Argentins est reproductible par tous et partout dans le monde. Voilà ce que veut montrer ce livre. Son titre et l'illustration de la couverture expriment ce qu'ils ont vécu et ce dont ils ont voulu témoigner : Humaniser la vie parce que Dieu s'est humanisé en Jésus.
Les mots et l'attitude du nouveau Pape François leur ont confirmé le bien-fondé de leurs actions et le sens qu'ils avaient donné à leur vie. Ils reprennent à leur compte cette phrase extraite de la IIIe Conférence générale de l'épiscopat latino-américaine au Mexique le 13 février 1979 : « Dieu, dans l'histoire, pousse son peuple à lire les signes des temps et à découvrir, dans les aspirations les plus profondes des êtres humains, comme dans leurs vicissitudes, que l'Homme est appelé à bâtir la société pour la rendre la plus humaine, plus juste et plus fraternelle ». Cet ouvrage rend particulièrement compte à travers leurs multiples expériences combien les auteurs se sont attachés à être au plus près de cette aspiration.
Le rapport privilégié que la religion entretiendrait avec la violence est devenu l'un des poncifs du débat public. En proie au djihadisme et au radicalisme politique du christianisme évangélique, l'Afrique semble être un cas d'espèce. Mais cette pseudo-évidence soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. De quelle violence, de quelles religions, et même de quelle Afrique parle-t-on ? La guerre, en Afrique, a été politique, et non pas religieuse. Elle a eu pour objet le contrôle de l'état et des ressources, plutôt que celui des âmes, même si elle a pu emprunter, ici ou là, le langage de Dieu.
Le chassé-croisé de la violence et de la religion doit être analysé au cas par cas, à l'échelle des terroirs historiques. Aux antipodes des généralisations idéologiques apparaît alors un objet sociologique très circonscrit : des mouvements armés d'orientation religieuse qui participent d'obédiences diverses, aussi bien islamiques que chrétiennes, conduisent des insurrections sociales, mais occupent une place marginale dans les interactions entre Dieu et César. Au fil de cette réflexion, c'est toute l'histoire de l'état en Afrique qui apparaît sous un jour nouveau.