« On avait volé mon vélo et la nuit tombait. Je marchais très vite, la tête baissée, enfoncée jusqu'aux yeux dans le col de mon manteau. Il gelait à vous fendre les os. Il y avait une lame de rasoir par terre, c'était la deuxième que je voyais ce soir-là, et ça ressemblait à une sorte de mauvais présage. Auparavant, j'avais trouvé un nez de clown écrasé, que des rafales de vent faisaient avancer devant moi comme une petite bestiole rouge et folle. J'ai essayé de faire le rapprochement entre cet accessoire grotesque et les lames de rasoir, lorsqu'une voiture qui longeait le trottoir s'est arrêtée à ma hauteur. Elle était couverte de neige. La vitre du conducteur s'est baissée, dévoilant une énorme tête chauve et moustachue, dont les yeux luisants me fixaient avec insistance. J'ai fait semblant de ne pas l'avoir remarquée, et j'ai poursuivi mon chemin en accélérant un peu l'allure. »
Jacques Albert, baryton d'opéra, chante dans les salons parisiens de la fin du siècle dernier, souvent accompagné au piano par sa femme Martha. Jusqu'à ce que Cotter Morison, un Américain de passage, fasse lire à celle-ci un roman énigmatique par lequel il l'incite à tromper son mari. Une centaine d'années plus tard, son arrière-petit-fils, Joachim, rencontre un homme d'affaires qui n'est autre, lui, que l'arrière-petit-fils de Cotter Morison. Il en profite pour lui montrer ce roman de Paul Bourget qui, jadis, lia leurs deux familles. Devenus amis, ils partent ensuite pour Rome rejoindre Daphné, l'épouse de l'Américain, dont Joachim, à son tour, tombera malgré lui amoureux... Le hasard prend donc ici, sous la forme de l'éternel retour, la vraie figure du destin.
La passion d'un bibliophile misanthrope pour les éditions rares et la phrase juste, mise à mal par un neveu, animateur de radio et joueur impénitent. L'un amasse et collectionne, l'autre flambe et dilapide. Ces deux logiques ne peuvent longtemps coexister.
De 1919 à 1989, le récit authentique de l'extraordinaire destinée de deux couples, embarqués dans l'engrenage infernal de la machine communiste.
De Li Lisan, le flamboyant prédécesseur de Mao à la tête des Communistes chinois, on ne savait rien, ou presque. C'est pourtant en France, initié par un ouvrier du Creusot, qu'il a fait ses premières armes, avant de soulever la Chine entière, puis de s'attirer les foudres de Staline. Son compatriote, Djang Bao, l'étudiant play-boy, s'est formé au marxisme dans le Tennessee, avec un enthousiasme qui lui a valu d'être exfiltré clandestinement vers Moscou.
Les deux hommes se rencontreront là-bas, dans les années trente, en pleine tourmente stalinienne, et leur histoire d'amour avec Élisabeth Kichkine et Nadia Roudenko, leurs deux jeunes femmes russes, scellera une amitié qui se poursuivra au-delà des frontières. Ni les tortures dans les caves de la Loubianka, ni un long exil dans l'enfer du Goulag, ni même les supplices de la révolution culturelle et du Laogaï n'en viendront à bout.
Leurs enfants sont là pour en témoigner, qui se jouent des rideaux de fer et de bambous, à l'aube d'un millénaire que l'on assure chinois.
Conçu à partir des confidences de trois des survivants de cette singulière épopée, croisées avec des archives inédites du KGB et du Komintern, « L'Empire rouge » est un document sans équivalent sur les relations tumultueuses entre les deux géants communistes, et sur des épisodes méconnus de la révolution chinoise. Mais c'est, avant tout, une formidable saga, à laquelle le talent de conteur de Patrick Lescot rend toute sa dimension véritablement romanesque.
À partir de faits divers découpés dans les journaux, Xavière Gauthier reconstruit le destin de personnages qui ont, insidieusement, hanté son imagination. Chaque nouvelle ressemble à un cas de possession. Dans Le lit clos, une paysanne séquestre son amant. La rouille retrace la vie d'une pauvresse brimée par sa patronne. Dans Le boeuf-carottes, un vieil homme cherche à comprendre pourquoi sa femme s'est enfuie avec le laitier. Avec Aux lilas, c'est une affaire d'imposture qui est dépeinte. Dans cette torpeur suit une Américaine dans les bas-fonds d'Istanbul. Ces récits d'amour disent la vie dans ce qu'elle a de plus violent. Des hommes et des femmes se croisent, s'étreignent et, parfois, se tuent...
Un énarque, Philippe Lagrange, est nommé, après une élection présidentielle, chef de cabinet du ministre de l'Education nationale. Ce roman est l'histoire de leur affrontement dans un monde où tous les coups sont permis.
Rachid, cancre et tombeur de filles, entre, par effraction, dans la vie de Charlotte. Drôle, sensuel, provocateur, il fait voler en éclats sa routine étriquée, réduit en miettes ses sages convictions. Sur fond de campagne électorale, c'est une fantasia érotique et tonique, dans le Marseille des années 80, brutal, braillard et venimeux.
Agnès aime Jean. Mais la vraie passion d'Agnès s'appelle Villanges... Le château de Villanges. L'argent manque pour le restaurer. On le loue pour servir de décor, soit à de prestigieuses réceptions, soit à des tournages de films pornographiques. Peu à peu, après des années de chantier, Villanges renaît. Mais, au cours d'une fête, un incendie anéantit la demeure. Ainsi l'Histoire se répète-t-elle, dans cette version moderne et épistolaire du Bal des Ardents.
Qui est l'auteur de ce journal intime d'un gardien de phare ? Est-il Ernest von Arnault, ex-officier de la Wehrmacht, recherché par d'anciens réseaux de résistants qui voient en lui un criminel de guerre ? Est-il Simon Thalberg, Juif alsacien dont la famille a été exterminée et qui, s'étant refusé au suicide, est parti au-devant de la mort, les armes à la main ? L'ancien nazi et le fils de déportés, on le sait, ont servi ensemble dans la Légion étrangère. À Madagascar, l'un des deux est mort en opération. Mais lequel ? Et qui des deux a pris l'identité de l'autre ? Qui des deux est l'ombre de l'autre ?
Cette croisière à l'autre bout du monde avait tout pour être idyllique. Mais qu'on ne compte pas sur Isaure de Saint Pierre pour réécrire La madone des sleepings. Enfermée dans sa cabine ou se prélassant sur le pont, une jeune femme cède à ses démons, à ses fantasmes, aux sollicitations du tangage et du roulis. Mais les lettres qu'elle écrit, sous les yeux d'un fiancé peu jaloux - des lettres impudiques, d'un exhibitionnisme volontiers indécent -, à qui sont-elles destinées ? La crudité (et la cruauté) des mots, la lascivité des scènes ne sont, bien entendu, qu'une façon autre, tendre et désespérée, de dire je t'aime à un amour absent. Un huis-clos érotique, où l'enfer c'est d'abord soi-même.
Et si, lors des présidentielles de mai 1988, un outsider, n'appartenant pas au sérail politique, remettait tout en question ?
Nicanor Sigampa s'est fixé à Paris, où il dirige et finance une société secrète, L'Internationale Argentine. Mais Nicanor ne passe pas inaperçu : il est noir et mesure deux mètres ; milliardaire, il roule en limousine et distribue les chèques de 500 000 F, comme d'autres les poignées de main. Or, Nicanor a jeté son dévolu sur un réfugié argentin, un poète famélique nommé Copi. Séduit par l'obscurité absolue de ses odes, Nicanor a décidé de faire de Copi le prochain président de la République argentine... Derrière les provocations et les quiproquos d'un humour acide, L'Internationale Argentine constitue la plus sérieuse des satires politiques. Bohèmes et nantis, travestis et femmes du monde, diplomates de carrière et arrivistes professionnels s'y pressent et s'y bousculent. Ce roman est, peut-être, le plus gai de tous les livres de Copi. C'est-à-dire le plus désespéré. Quelques semaines avant sa mort, à l'occasion d'une ultime relecture, il en avait dessiné la couverture. Son dernier dessin.
L'homme au chien fuit son passé, dans la solitude des grèves de Vendée. Il tend ses lignes sur les vasières, relève ses casiers et ne se montre au village que pour vendre sa pêche, évitant les gendarmes. Ce pêcheur, ce chasseur étrange - il a été ingénieur et vit comme un braconnier - serait-il un homme traqué, détenteur d'un secret ? La femme qui le hante, est-ce la jeune Normande - celle du joli mariage en blanc - ou l'épouse du président, ou bien la compagne de son collègue Lambert, ou encore l'entraîneuse de la boîte de nuit ? Au moment où le fantôme reparaît, passé et présent se rejoignent...
Mars 1943. Seule dans une chambre de bonne, à Paris, Irène Sarthet, dix-sept ans, apprentie couturière, met au monde une petite fille, dont le père est un officier allemand parti sur le front russe. Croyant le bébé mort-né, elle s'en débarrasse en le jetant, enveloppé d'une couverture, dans une poubelle de la rue Montmartre. Un jeune homme, Henri Konopnicki, qui appartient à la Résistance, découvre l'enfant. Ainsi commence un grand roman d'amour et d'aventure, conté avec un art diabolique du suspense. Des steppes de Russie aux quartiers chics de Manhattan, des milieux de la publicité à la haute couture parisienne, des personnages souvent marqués par un passé dramatique entraînent le lecteur dans les tourbillons d'une époque mouvementée où se croisent et se heurtent leurs destins. Avec cette fresque aux multiples acteurs, Charles Lancar renoue, sans honte, avec le roman feuilleton tel qu'il fut illustré par Eugène Sue, Ponson du Terrail, Paul Féval et Georges Ohnet.
Quand j'ai eu onze ans, ma vie a changé. Onze ans ? Peut-être davantage ; peut-être moins. Je n'ai jamais su précisément quand j'ai vu le jour. Dans notre village de la montagne, personne n'a jamais enregistré les naissances, comme cela se faisait à la ville. Et qui aurait pu le faire ? Personne ne savait lire, ni écrire, ni compter, sauf le Qadi Abdallah, qui possédait les sources et les bonnes terres le long de l'oued. Mais l'énorme Qadi restait cloîtré dans son palais, à banqueter et à fumer du haschich. Et il ne se souciait pas des filles de ses fellahs, du moins tant que celles-ci étaient impubères.
Le Pr Julien Garel, éminent biologiste français de renommée internationale, émet, au cours d'une interview à la télévision, une théorie particulièrement hardie : l'espèce humaine est appelée à subir, au long des siècles à venir, une mutation propre à modifier profondément sa condition. Le lendemain même de cette émission, le professeur reçoit, à son service de l'Hôtel-Dieu, la visite d'un étrange personnage qui prétend s'identifier, sur tous les points, à ce mutant hypothétique. Le Pr Garel ne voit d'abord dans Ludovic Salvage - c'est le nom du visiteur - qu'un imposteur et un mystificateur. Mais les preuves fournies sont telles, que le biologiste est conduit à entreprendre une enquête sur la vie privée de Ludovic Salvage, sur le passé multiple et caché auquel le condamne sa fabuleuse singularité. Le cas Salvage apparaît tellement extraordinaire, au sens littéral du mot, que le Pr Garel le consigne dans un rapport écrit au jour le jour. Rapport déposé sous scellés à l'Académie des Sciences, et ne devant être porté à la connaissance du public, d'après les volontés de Salvage, qu'après sa mort. Si, transgressant ces volontés, ce livre le révèle dès à présent, c'est que la mutation capable de transformer l'homme de demain ne peut, pensons-nous, que passionner l'homme d'aujourd'hui.
Le capitaine Pierre Tessier quitte La Rochelle à bord du Jason, qui met le cap sur l'Afrique, via les Canaries. Ainsi débute, en 1742, une campagne négrière de plusieurs mois. C'est, d'abord, la chasse aux esclaves le long de la côte de Guinée, où chaque village est un point de vente : car le trafic de l'ébène n'est possible qu'avec la complicité des chefs des tribus locales. Les prix varient selon le sexe, l'âge et l'état de santé du sujet : un homme vaut deux fois le prix d'un cheval... ou d'une femme. En revanche, une femme enceinte coûte plus cher qu'un mâle en bonne santé, et le double d'un négrillon ou d'une négritte. Puis, c'est la traversée de l'Atlantique, avec 445 esclaves entreposés dans les cales, c'est-à-dire soixante jours de misère, de drame, de tempête... mais aussi, pour le capitaine, soixante jours d'idylle avec Madoréa, la déesse noire, qui fascine tout l'équipage du bateau-négrier...
Un homme d'affaires est assassiné à Paris. On retrouve son corps derrière l'hôpital Sainte-Anne, et sa tête dans un casier de consigne à New York. Qui a tué ? Pourquoi cette mise en scène ? Trois personnages enquêtent : un commissaire routinier et conservateur, un maître international d'échecs, et un professeur d'histoire grecque. Le premier a recours aux vieilles méthodes - filatures et perquisitions - ; le deuxième considère Paris comme un vaste échiquier, et la victime comme un cavalier blanc ; le troisième voit dans le crime une reconstitution de la Guerre de Troie. Et s'ils avaient tous raison ? Le roman policier qu'Homère aurait écrit s'il avait su jouer aux échecs en fumant la pipe de Maigret.
Le 5 octobre 1918, vers le soir, après une journée brûlante, le Mohandas, un bateau de six cents tonneaux, fait route vers l'Île Maurice. À son bord, un jeune médecin, porteur d'une lettre adressée à la comtesse Adélaïde de Kergoust, et signée Campbell. Campbell... Un homme que la comtesse aime secrètement, et que la guerre a éloigné d'elle. Revient-il ? Maintenant que l'on parle de paix en Europe, maintenant que Bubu - le comte Hubert de Kergoust - a fui à Paris pour y mener la grande vie avec sa maîtresse, tous les rêves sont permis à Adélaïde, même les plus fous, c'est-à-dire les plus merveilleux.
Voici un terrible roman policier qui n'est, en fait, que le contre-chant d'un roman d'amour à plusieurs voix. En Toscane, certaines nuits d'été, un sadique frappe et mutile les couples d'amoureux. Et, depuis quinze ans, l'auteur de ces crimes rituels reste introuvable. Mystère public et secrets intimes : sept personnages en quête d'eux-mêmes - le chef de la police, une cantatrice, un ébéniste d'art, une héritière américaine, un homme d'affaires, une psychanalyste et un artiste restaurateur de tableaux anciens - voient leur vie quotidienne bouleversée, envahie, hantée, menacée même par cette macabre série au long cours. Il est, cependant, un huitième personnage, central, dans cette histoire véridique et folle : Florence. Aux splendeurs de la cité des Médicis semble répondre l'horreur des meurtres perpétrés par l'un de ses habitants. Un monstre, bien sûr... Le Monstre. Mais, lorsque sa folie le laisse en repos, il redevient un citoyen parmi les autres...
Un jeune homme, Jean-Sébastien, parle d'un couple, Framboise et Denis, de ses relations à la fois étranges et familières avec l'un et l'autre. Fascination, amour fou pour elle. Méfiance, animosité, mais complicité naturelle à l'égard de son mari. Autour de ce trio, gravitent deux femmes qui vont, peu à peu, entrer dans la vie de Jean-Sébastien : Aliette, l'aristocrate, journaliste, militante ; Océane, la fille d'un notable marseillais, adolescente romantique qui confond la vie et la littérature ; et un homme, Nicolas, l'ami d'enfance de Jean-Sébastien, probablement l'amant de Framboise.
Le Charco Verde est une mare au diable, où l'on peut vendre son âme à Chico Largo, avatar nicaraguayen de Méphistophélès. Un sorcier, don Eugenio, tient le livre des pactes conclus avec le Malin. Ruetcel, le héros qui lira ce livre, est un géographe européen chargé d'une enquête dans la région. Don Eugenio lui confie ses archives et Ruetcel passe au travers du miroir.
« C'était un truc de deux cent soixante-douze pages. Sexe qui peut, par Rodolphe Carsenti. Quand le tirage a dépassé un million d'exemplaires, c'est devenu un chef-d'oeuvre. Colignon me harangue depuis dix ans, pour me décider à refaire le même miracle. J'ai beau lui expliquer que ce n'était pas un miracle, mais une erreur, et que c'est difficile de refaire une erreur, même en s'appliquant, il ne veut rien entendre. »
Sous la pression conjuguée de son éditeur, de sa cousine, et de ses découverts bancaires, Rodolphe Carsenti se lance dans la rédaction d'une seconde... erreur. Un « truc » en forme de roman érotique du quatrième type...
Dans l'atmosphère unie et chaleureuse d'une famille juive algérienne exilée à Paris, deux soeurs se ressemblent et s'opposent : Sonia, généreuse, dévouée, pudique ; Karine, agitée, révoltée, insoumise. Chacune retrouve en l'autre sa propre face cachée. Pourtant, elles ne se rencontrent pas. Elles s'aperçoivent de loin, incapables de s'attendre, de s'entendre. Un homme, Sol, saura les réunir un instant. Inébranlable en apparence, il incarne la loi. Mais, oscillant de l'une à l'autre, il perdra peu à peu son aplomb, pour devenir le corps de leur passion, de leurs passions. L'érotisme est ici un chemin de la mémoire.