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Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé qui grandit entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux récits : celui de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celui de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans ce roman de filiation, mêlant enquête sociologique et histoire intime, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et la condition du malade celle d'un paria. -
La trilogie de Copenhague Tome 3 : Dépendance
Tove Ditlevsen
- Éditions Globe
- 17 Octobre 2024
- 9782383612667
Tove est désormais une poétesse publiée et reconnue, mais c'est avec les aléas des relations conjugales qu'elle doit maintenant composer. Alors que son premier mariage se défait, la jeune femme entre dans l'âge adulte et apprend, de la plus dure des manières, que le monde des femmes n'est décidément pas celui des hommes. Sa soif insatiable de liberté et son ambition littéraire vont se heurter aux exigences de ses maris successifs, aux grossesses non désirées et à une dépendance destructrice qui finira par l'occuper tout entière. L'appel de sa machine à écrire restera, comme un phare dans le brouillard, ce à quoi elle s'accrochera.
Précurseur par les sujets qu'il aborde, Dépendance est le dernier tome de La Trilogie de Copenhague, une oeuvre pionnière de l'autofiction publiée en trois actes entre 1967 et 1971. Avec une honnêteté bouleversante, Tove Ditlevsen dissèque ici la tragédie d'une existence féminine prise au piège du bon vouloir des hommes et de l'addiction, et raconte comment on peut s'en sortir malgré tout lorsqu'on garde en ligne de mire ce qui nous anime. -
À vingt et un ans, la maladie contraint Déborah à interrompre ses études. Confrontée à une extrême précarité, elle décide de devenir camgirl. Mais très vite, cette activité ne suffit pas pour survivre financièrement. Elle sort de l'écran et devient escort puis dominatrice.
Alors que la parole des travailleuses du sexe reste un angle mort de la pensée post-MeToo, Déborah Costes dit ce qui ne se raconte pas : le métier dans toute sa complexité, la honte et le tabou imposés par les regards extérieurs, les clients que cette culture du silence protège. En exorcisant les clichés et les fantasmes qui entourent la figure de la prostituée, Déborah Costes nous tend un puissant miroir où se reflètent les rapports de domination à l'oeuvre dans une société patriarcale. -
Le 24 juin 1965 à Rome, un bébé est abandonné sur la pelouse de la Villa Borghèse. Ses parents, ce sont Lucia et Giuseppe. Mariée de force, la jeune femme s'est enfuie, quittant un mari et une belle-famille violents, pour vivre son grand amour. À cette époque, en Italie, cela rend Lucia et son compagnon criminels, coupables d'adultère et d'abandon du domicile conjugal. Sans parler du statut d'enfant illégitime qui va planer toute sa vie au-dessus de leur fille. Acculé par l'impossibilité de faire famille, le couple se résout à l'abandonner et à se suicider ensemble, dans les eaux du Tibre.
L'enfant orpheline, c'est Maria Grazia Calandrone. Cinquante ans plus tard, elle mène l'enquête pour retracer l'histoire de ses parents biologiques et comprendre leur geste. En explorant leur trajectoire, Maria Grazia Calandrone fait aussi revivre avec réalisme, dans une langue poétique et singulière, l'Italie de l'après-guerre en pleine industrialisation et la pression sociale destructrice pesant sur les femmes. -
La trilogie de Copenhague Tome 1 : Enfance
Tove Ditlevsen
- Éditions Globe
- 9 Novembre 2023
- 9782383612568
Au fin fond de l'enfance, il y a Istedgade, la rue étroite de Vesterbro, le quartier ouvrier où s'entasse la famille de Tove dans un petit appartement ; il y a l'humeur changeante d'une mère violente, le rire d'un père aussi vieux et crasseux que le poêle, la crainte du chômage, la hantise de l'aide aux nécessiteux qui pend au-dessus des familles comme une menace moins honteuse que celle de devenir fille mère avant dix-huit ans. Il y a l'école qu'il faudra arrêter à quatorze ans pour trouver un emploi. Heureusement, il y a Ruth, la meilleure amie, qui ne prend jamais rien au sérieux. Et il y a ce secret que Tove ne peut révéler à personne. Pas même à Ruth. Un jour pourtant, il faudra quitter cette rue étroite de l'enfance pour faire vivre les mots mystérieux qui se glissent chaque jour sur son âme comme une membrane protectrice.
Enfance est le premier volume de La Trilogie de Copenhague, une autobiographie en trois actes publiée entre 1967 et 1971 et qui fait aujourd'hui l'objet d'une consécration posthume internationale. Dans cette oeuvre magistrale sur le tissu de l'existence, Tove Ditlevsen répond, avec un sens aigu de l'observation, à une question : comment concilier l'art et la vie. -
À quatorze ans, il est temps pour Tove de quitter l'école afin de travailler et gagner sa vie. Placée dans une famille, puis dans une pension, elle enchaîne les maladresses et les petits boulots mal payés jusqu'à être embauchée comme sténographe. Désormais, la jeune fille tape à la machine toute la journée, mais son quotidien est bien dépourvu de poésie.
À l'âge où l'on rêve d'amour et d'une chambre à soi, Tove se démène pour construire son indépendance. Alors que l'Europe s'enfonce dans la Seconde Guerre mondiale, elle vit ses premières expériences amoureuses et littéraires, celles qui forgent le caractère et signent la fin de l'enfance.
Après Enfance, dans lequel Tove Ditlevsen évoquait avec acuité et autodérision ses origines, Jeunesse est le deuxième volume de La Trilogie de Copenhague, une autobiographie en trois actes publiée entre 1967 et 1971. Dans cette autofiction des débuts, elle raconte le combat à mener pour s'affranchir de sa condition sociale et devenir écrivain. -
BOOKER PRIZE 2020.
Glasgow, années 1980, sous le règne de fer de Margaret Thatcher. Agnes Bain rêvait d'une belle maison bien à elle, d'un jardin et d'un homme qui l'aime. À la place, son dernier mari la lâche dans un quartier délabré de la ville où règnent le chômage et la pauvreté. Pour fuir l'avenir bouché, les factures qui s'empilent, la vie quotidienne en vrac, Agnes va chercher du réconfort dans l'alcool, et, l'un après l'autre, parents, amants, grands enfants, tous les siens l'abandonnent pour se sauver eux-mêmes.
Un seul s'est juré de rester, coûte que coûte, de toute la force d'âme de ses huit ans. C'est Shuggie, son dernier fils. Il lui a dit un jour : « Je t'aime, maman. Je ferai n'importe quoi pour toi. » Mais Shuggie peine d'autant plus à l'aider qu'il doit se battre sur un autre front : malgré ses efforts pour paraître normal, tout le monde a remarqué qu'il n'était pas « net ». Harcèlement, brimades, injures, rien ne lui est épargné par les brutes du voisinage. Agnes le protégerait si la bière n'avait pas le pouvoir d'effacer tous ceux qui vous entourent, même un fils adoré.
Mais qu'est-ce qui pourrait décourager l'amour de Shuggie ?
Shuggie Bain est un premier roman fracassant qui signe la naissance d'un auteur. Douglas Stuart décrit sans détour la cruauté du monde et la lumière absolue. -
Alba Donati menait une vie trépidante. Pourtant, à la cinquantaine, elle décide de tout quitter pour retourner à Lucignana, le village de Toscane où elle est née, et ouvrir sa librairie dans une jolie bâtisse à l'orée des bois, sur la colline.
Avec seulement 180 habitants dans les environs, son entreprise semble vouée à l'échec. Ouverte en 2019 grâce à un financement participatif, la librairie affronte un incendie qui la détruit en partie, puis, un mois plus tard, les restrictions du confinement. C'est alors que s'organise autour d'Alba un étrange et vertueux mouvement de solidarité.
Tout à la fois récit et manifeste, ce journal de bord chronique la vie d'une librairie et de ses lecteurs, jour après jour, joie après peine. L'occasion pour Alba d'évoquer un rêve partagé par beaucoup : recommencer à zéro. Trésor d'érudition, La Librairie sur la colline est aussi une réflexion brillante sur le sens de la vie et le rôle crucial qu'y joue, pour tous ceux qui le veulent, la littérature. -
James est catholique, et Mungo est protestant. Dans le Glasgow des années 1990, marqué par les guerres de gangs, les deux garçons devraient se haïr - pourtant, ils sont tombés amoureux.
Au coeur de ce monde hyperviolent, Mungo doit travailler dur pour cacher son amour interdit ; en particulier à son frère aîné, Hamish, chef de gang brutal, prêt à tout pour défendre l'honneur de sa famille.
Lorsque la mère de Mungo découvre la vérité, elle décide de l'envoyer pour une partie de pêche au bord d'un lac, en compagnie de deux hommes au passé trouble, qui ont promis de faire de lui un homme, un vrai. Là, dans la solitude des forêts de l'Écosse profonde, Mungo va devoir apprendre à se battre pour survivre et gagner sa liberté.
Après le succès phénoménal de Shuggie Bain (plus de 1 million d'exemplaires vendus dans le monde), Douglas Stuart nous offre un roman social somptueux et déchirant : le portrait d'un jeune homme solaire, épris d'amour et de liberté, dans un monde empoisonné par la haine et l'intolérance. -
Amma, Dominique, Yazz, Shirley, Carole, Bummi, LaTisha, Megan devenue Morgan, Hattie, Penelope, Winsome, Grace.
Il y a dans ce livre plus de femmes noires que Bernardine Evaristo n'en a vu à la télévision durant toute son enfance. La plus jeune a dix-neuf ans, la plus âgée, quatre-vingt-treize.
Douze femmes puissantes, apôtres du féminisme et de la liberté, chacune à sa manière, d'un bout du siècle à l'autre, cherche un avenir, une maison, l'amour, un père perdu, une mère absente, une identité, un genre - il, elle, iel - une existence et, au passage le bonheur.
Foisonnant, symphonique, écrit dans un style aussi libre et entraînant que le sont ses héroïnes, le roman de Bernardine Evaristo poursuit son titre : Fille, femme, autre...
Douze récits s'entremêlent, se répondent, riment et raisonnent. Douze vies s'épaulent et s'opposent. Chacune des douze est en quête et en conquête, de place, de classe, de traces, d'elle-même, des autres, de cet autrui en elle qui a déjà traversé maintes frontières, et a le front de vouloir encore exploser celles qui restent. -
Et si l'Afrique avait conquis le monde ? Et si les maîtres étaient devenus les esclaves ?
Née dans une famille d'agriculteurs anglais, enlevée par des trafiquants et revendue en Aphrika, Doris a été réduite en esclavage par le Chef Kaga Konata Katamba Ier, dont les initiales - KKK - sont gravées sur sa peau. Mais lorsqu'elle tente de s'échapper, le soir de la messe Voodoo, elle se heurte à la violence d'une société tout entière fondée sur l'exploitation de son peuple. Expédiée dans les champs de canne à sucre, Doris, sous la poigne bienveillante de la viking Ye Mémé,
va découvrir la culture des esclaves et renouer avec ses racines blondes ...
Dans cette fable uchronique qui doit autant à Lewis Carroll qu'à Toni Morrison, Bernardine Evaristo inverse les couleurs de l'histoire pour mieux démonter et dénoncer les mécanismes de domination à l'oeuvre dans nos sociétés. -
11 septembre 1844, apparition. Heyum Lehman arrive de Rimpar, Bavière, à New York. Il a perdu 8 kg en 45 jours de traversée. Il fait venir ses deux frères pour travailler avec lui.
15 septembre 2008, disparition. La banque Lehman Brothers fait faillite. Elle a vendu au monde coton, charbon, café, acier, pétrole, armes, tabac, télévisions, ordinateurs et illusions, pendant plus de 150 ans.
Comment passe-t-on du sens du commerce à l'insensé de la finance ? Comment des pères inventent-ils un métier qu'aucun enfant ne peut comprendre ni rêver d'exercer ?
Grandeur et décadence, les Heureux et les Damnés, comment raconter ce qui est arrivé ? Non seulement par les chiffres, mais par l'esprit et la lettre ?
Par le récit détaillé de l'épopée familiale, économique et biblique. Par la répétition poétique, par la litanie prophétique, par l'humour toujours.
Par une histoire de l'Amérique, au galop comme un cheval fou dans les crises et les guerres fratricides.
Comment prendre la suite de Yehouda Ben Tema qui écrivit dans les Maximes des Pères :
« Tu auras cinquante années pour devenir sage.
Tu en auras soixante pour devenir savant » ?
Nous avons 848 pages et environ 30 000 vers pour devenir instruits, circonspects, édifiés. Groggy. -
Comment est né le football féminin en Angleterre ? Par ce hasard qui ne fait jamais rien au hasard.
Le 6 avril 1917, à la pause déjeuner de l'usine de munitions Doyle & Walkers, à Sheffield, Royaume-Uni, Violet Chapman, ouvrière, prise d'une inspiration subite, donne un coup de pied dans l'espèce de balle qui se trouve au milieu de la cour en brique rouge de 330 pieds de long par 240 pieds de largeur.
Aussitôt, les dix autres femmes présentes lâchent leurs casse-croûtes et sautent du muret où elles étaient assises en rang d'oignons pour se mettre à courir elles aussi.
Ce simple coup de pied aurait pu les tuer. Car la balle est un prototype de bombe légère destinée à calculer la trajectoire de chute, avant de massacrer l'ennemi. Mais la bombe n'explose pas. C'est leur coeur qui le fait. Ce coup de pied vient de leur sauver la vie, à toutes.
Elles jouent pendant plus d'une demi-heure.
Et recommencent le lendemain. Et encore, et encore.
Jusqu'à jouer dans un vrai stade, jusqu'à affronter des professionnels !
Jusqu'à ce que les hommes - patron, chéris, papas - mettent leur veto à cette passion, à cette obsession, à cette libération.
Avec Les Frères Lehman, Stefano Massini nous a raconté l'invention d'un métier par des hommes, avec le Ladies Football Club, il nous raconte l'invention d'une liberté par des femmes. -
À soixante-quatorze ans, Barrington Jedidiah Walker est plus que jamais le séducteur que Carmel a connu à Antigua, avant d'émigrer à Londres avec lui. Dandy, noceur, artiste de la conversation, ce gentleman des Caraïbes est un autodidacte. Il cite William Shakespeare et James Baldwin et partage ses idées - nombreuses - sur la politique, l'art et ses racines familiales. Carmel et Barry sont mariés depuis un demi-siècle et Barry est toujours très épris de son amour de jeunesse. Mais ce n'est pas Carmel. Le corps musclé de Morris Courtney de la Roux rend Barry fou depuis soixante ans. Son âme soeur devine sa moindre pensée, sa bouche termine ses phrases. Toute sa vie, Morris a supplié Barry de venir vivre avec lui, en vain. Pourquoi ? Crainte de ne pas avoir la force d'affronter les conséquences sociales d'un coming out si tardif ? Respect pour une épouse pieuse qui le croit coureur de jupons ?
À l'aube de sa vie, Barry sent que s'apprête à passer sa dernière chance d'être enfin heureux...
Lauréate du Booker Prize 2019, Bernardine Evaristo fait du récit de la libération de son héros un festival de bonne humeur, d'esprit et de fierté assumée. -
En 1938, de jeunes et brillants physiciens juifs hongrois ayant fui l'Europe de Hitler pour se réfugier aux États-Unis pressentent le potentiel et les risques d'une utilisation militaire de la réaction en chaîne. Terrifiés à l'idée que le Führer, qui prépare alors l'Allemagne nazie à la guerre, puisse mettre au point une arme ultime, ils s'unissent dans une terrible course contre la montre pour concevoir puis construire - sous la direction de Robert Oppenheimer - la bombe atomique.
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À vingt-cinq ans, Daniele, un poète, se noie dans l'alcool pour oublier la crise existentielle qu'il traverse. Alors que sa mère, déchirée de voir son fils se faire du mal, lui propose de mettre fin à leurs jours ensemble, Daniele se résout à prendre un emploi d'agent d'entretien dans le plus grand hôpital pédiatrique européen, l'Enfant-Jésus à Rome. Très vite, le jeune homme à la sensibilité exacerbée pense abandonner, tant l'injustice et la douleur qui s'imposent à ces enfants malades dépassent l'entendement et les mots. Mais le quotidien, la camaraderie et la solidarité qui se créent avec les collègues et les patients lui montreront l'authentique visage de la vie, levant le voile épais des ténèbres qui l'empêchait de vivre.
Bouleversant de tendresse et d'humanité, La Maison des regards est le récit autobiographique d'une résurrection et rend un hommage poétique et vibrant à ceux, travailleurs ou proches, qui accompagnent les malades. -
Ils ne sont que deux survivants humains, un père et sa petite fille, dans une maison au bord d'un lac. Leurs voisins ? Des arbres centenaires, des plantes millénaires, des oiseaux dont les appels trouent les ciels, des traces d'ours sur les troncs et une montagne qui n'a pas changé depuis qu'Emerson et Thoreau y puisaient leur force et leur sagesse.
Au fur et à mesure que la fille grandit, son père lui apprend tout ce qu'il peut, pour la préparer à une vie en harmonie avec une nature majestueuse et tutélaire.
Et quand la fille se retrouvera seule, c'est l'ours du titre qui lui servira de guide ultime pour s'orienter à travers un environnement aussi rude que prodigue, dans une communion élégiaque. -
Ce livre, elle pensait l'appeler La Colline. Dominique Sigaud avait tout noté dans un carnet lorsqu'elle était à Bisesero, en 1994. Journaliste indépendante sans autre nom que le sien sous lequel se ranger, elle fut l'une des rares femmes à couvrir le génocide des Tutsis au Rwanda. Vingt-cinq ans plus tard, les mots, elle les a retrouvés, intacts, comme elle les avait agencés sur les pages pour organiser le chaos du monde, pour raconter les massacres et les assassins ivres d'alcool et de sang. Mais le récit ne s'écrivait toujours pas. La colline où toute l'horreur du génocide s'était écrite n'était pas le lieu central comme elle le pensait. Le lieu central, il lui a fallu trente ans pour comprendre que c'était le corps de cette jeune femme, croisée dans une boîte de nuit à Kigali.
Réflexion sur la mémoire, le traumatisme et l'écriture, Perdre la main interroge la posture singulière du témoin, lorsque, sans être une victime directe, il est pris dans l'étau des événements. Tout en racontant ses doutes et ses blocages, Dominique Sigaud explore les possibilités de la langue et du corps confrontés à la catastrophe. -
C'est l'histoire d'une femme qui passe sa vie dans les couches et le lait en tâchant de maintenir l'équilibre précaire d'une famille de la classe ouvrière dans l'Irlande d'aujourd'hui. Malgré la charge mentale et l'épuisement, elle s'épanouit dans la maternité et le dévouement total à sa condition de mère. Mais quand son quatrième enfant manque de mourir à la naissance, elle perd pied. Elle trouve alors du réconfort dans la lecture du célèbre « Caoineadh », un poème irlandais datant du XVIIIe siècle. Bientôt, elle essaye de retracer la vie de la poétesse qui en est à l'origine, mais c'est comme tenter une cartographie dans le brouillard tant son existence fut effacée par le récit des hommes de sa famille.
Un fantôme dans la gorge est un roman hybride qui bouscule les genres, une méditation sur les limites de la biographie, une autofiction postféministe sur la maternité. Intime et érudit, le style de Ní Ghríofa nous rappelle les pérégrinations de W. G. Sebald et le féminisme sans compromis de Maggie Nelson. -
D'Avignon à Prague, d'Oslo à Auckland, une femme passe d'une chambre d'hôtel à l'autre, dans le seul but de s'isoler du monde. Dans ces lieux intimes mais standardisés, elle tue le temps avec l'espoir d'échapper aux assauts d'un passé douloureux. C'est oublier que l'être humain et la solitude ne font pas bon ménage. Toujours, quelque chose la pousse à trouver de la compagnie, celle de l'alcool ou d'hommes croisés au détour d'un couloir, mais la mémoire ne se laisse pas si facilement réprimer. Bientôt ses fantômes se glissent sous ses draps et elle ne peut plus fuir.
Room trip aux accents oniriques, Un hôtel étrange brouille les pistes et se joue des conventions littéraires pour offrir le récit d'une errance sur le territoire de la solitude et du deuil. Eimear McBride nous plonge dans l'intériorité d'une femme qui s'émancipe de toutes les injonctions et livre une ode féministe à la maturité, avec une intensité stylistique rare. -
Devenue orpheline très tôt, Zorrie cherche sa place dans le monde. Élevée par sa tante, elle apprend qu'il n'existe qu'une vertu : le travail. Ainsi, Zorrie trouve un emploi dans une usine d'horloges à Ottawa, aux côtés des « filles fantômes », ces ouvrières luisantes de radium. Malgré cette parenthèse enchantée, l'appel de sa campagne natale est plus fort que tout. De retour dans l'Indiana, elle rencontre Harold, qui deviendra son mari, et se dédie avec lui au travail de la terre.
Dans ce court roman Laird Hunt parvient à faire tenir toute une existence : une vie simple menée dans une dignité discrète, ballottée au gré des saisons et bouleversée par les convulsions qui ont agité le vingtième siècle.
À la façon de Flaubert dans Un coeur simple, Laird Hunt offre le portrait saisissant d'une femme ordinaire, à un moment pivot de l'histoire américaine. Avec justesse et poésie, Zorrie raconte de manière magistrale la cruauté et la beauté du quotidien dans une Amérique en pleine transformation. -
Les mensonges et la folle cupidité des banquiers (autrement dite « crise des subprimes ») les a jetés à la rue. En 2008, ils ont perdu leur travail, leur maison, tout l'argent patiemment mis de côté pour la retraite.
Ils auraient pu rester sur place, à tourner en rond, en attendant des jours meilleurs. Ils ont préféré investir leurs derniers dollars et toute leur énergie dans l'aménagement d'un van customisé, et les voilà partis. Ils sont devenus des migrants en étrange pays, dans leur pays lui-même, l'Amérique dont le rêve a tourné au cauchemar. Tantôt ils se reposent dans un paysage sublime ou se rassemblent pour un vide-grenier géant ou une nuit de fête dans le désert. Mais le plus souvent, ils foncent là où l'on embauche les seniors compétents et dociles : entrepôt Amazon, parc d'attraction, camping... Parfois ils s'y épuisent et s'y brisent.
Partie pour écrire un long article sur le phénomène de société qu'ils incarnent, Jessica Bruder a passé trois ans à les rencontrer, à les suivre, à parcourir des milliers de kilomètres avec eux, pour finir par vivre leur vie, de l'intérieur.
Parmi eux, il y a sa chouchou : Linda May, 69 ans, qui taille la route mais dont le rêve est de bâtir un jour de ses mains un géonef, de s'y poser, et d'y couler des jours heureux.
Le film tiré de cet ouvrage a reçu le Lion d'Or à Venise et le Prix du Festival International du Film de Toronto (TIFF) en 2020. -
Crazy. Folle. Oui, elle doit être folle, cette enfant qui croit que les songes guérissent les maladies et les blessures, et qu'un esprit la guide. Folle, cette jeune fille de l'Oklahoma qui se lance à corps perdu dans le théâtre, la peinture, la poésie et la musique pour sortir de ses crises de panique. Folle à lier, cette Indienne qui ne se contente pas de ce qu'elle peut espérer de mieux : une vie de femme battue et de mère au foyer.
Brave. Courageux. Oui, c'est courageux de ne tenir rigueur à aucun de ceux qui se sont escrimés à vous casser, à vous empêcher, à vous dénaturer. De répondre aux coups et aux brimades par un long chant inspiré. D'appliquer l'enseignement des Ancêtres selon lequel sagesse et compassion valent mieux que colère, honte et amertume.
Crazy Brave. Oui, le parcours existentiel de Joy Harjo est d'une bravoure folle. Comme si les guerres indiennes n'étaient pas finies, elle a dû mener la sienne. Une guerre de beauté contre la violence. Une guerre d'amitié pour les ennemis. Et elle en sort victorieuse, debout, fière comme l'étaient ses ancêtres, pétrie de compassion pour le monde. Les terres volées aux Indiens existent dans un autre univers, un autre temps. Elle y danse, et chacun de ses pas les restaure. -
En 1958, Michel Foucault arrive en Pologne. Il vient d'être nommé directeur du Centre de civilisation française de l'université de Varsovie et doit terminer sa thèse que le public découvrira plus tard sous le titre d'Histoire de la folie à l'âge classique. Son séjour est pourtant écourté : l'année suivante, il est contraint de quitter brusquement le pays pour éviter un scandale diplomatique lié à son homosexualité. Un jeune homme, Jurek, instrumentalisé par la police politique, paraît être la cause de ce départ.
En fouillant les archives et en recueillant les récits des témoins de l'époque, Remigiusz Ryzi´nski tire le fil de cette opération de décrédibilisation et rejoue une période effacée de la vie de Michel Foucault. Plus encore, il brosse un tableau captivant de la condition homosexuelle en Pologne sous le communisme, des saunas de la ville aux appartements abritant ces amours décriées, tout à la fois fichées, surveillées et utilisées à des fins politiques.