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Charles Donner
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« Il va falloir que je retrouve tout ça, le tracé exact des profils, la juste chaleur des coins d'ombre, la taille que j'avais à sept ans, le poids du cartable, la peau blanche de cette Maman qui croit que sa beauté suffit comme amour. Il va falloir retrouver les mots, les hurlements, toutes les transes de la famille Galloudec, la gueule qu'avaient nos grandes vacances de Bourg-la-Reine au Tonnerre de Brest. Il va falloir, surtout, que je retrouve ma petite soeur, son nom, Elisa, que je criais partout sans me soucier des mauvais présages ». « Je fais pas ça pour moi : j'ai tout dans la tête et ça me suffit bien. J'attends que l'orphelin arrive pour tout lui refiler ; les bonnes gens donnent leur sang, moi, je lui donne mon histoire. Les médecins ont dit qu'il lui fallait un vrai roman pour le sortir de cet orphelinat ; il paraît qu'il n'a rien, ni mère ni père, et que tous les fils de sa mémoire sont cassés. Il est comme un pantin. Je vais arranger ça, mais que personne ne crie si j'ai triché par-ci par-là, et d'abord si je dis que je suis né là, sur le pont qui saute la voie ferrée, à 7 h 23 ou à 8 h 45, dans les cahots des directs pour Antony ». Un premier roman autobiographique - la description d'un moment de l'enfance dans un milieu communiste de la banlieue parisienne - qui est, avant tout, recherche de la mémoire. Un art incisif, qui épingle l'instant ; un humour corrosif, une sensibilité d'écorché. Chris Donner a écrit le scénario du film tiré de Petit Joseph (coproduction Antenne 2 et B.Q.H.L. ; réalisateur : Jean-Michel Barjol ; distribution Gaumont).
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J'ai seize ans. L'officier-instructeur de l'École militaire caresse mes cheveux d'ange. Mon père est ministre de la Viande. Ma mère, toujours vautrée dans ses peaux d'ours blanc, cadeau de l'ambassadeur de Suède. Je suis bientôt Premier Jeune Homme de France et, devant moi, la laideur des bons sentiments est à nu, comme la beauté de certains cadavres. Voilà le nom de mon père sur tous les murs de la ville. Notre famille règne à peine sur son grand guignol, que la cour applaudit déjà, trouvant ça très moderne. Avant de raconter comment la guerre va trancher les noeuds mélancoliques de mon ventre, je veux écrire une dernière fois les noms d'Ismaël, Sylvie et Xav. Ces trois-là sont comme mon père, ma princesse, mon lieutenant. Je leur demande pardon pour tout l'amour que je leur ai fait.