Première sélection du prix Médicis 2024 : romans français
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Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d'une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l'orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
Une compagne d'exception l'inspirera. Ana Maria se distinguera comme la première femme médecin de la région. Ils donneront naissance à une fille qu'ils baptiseront du nom de leur propre nation : Venezuela. Liée par son prénom autant que par ses origines à l'Amérique du Sud, elle n'a d'yeux que pour Paris. Mais on ne quitte jamais vraiment les siens.
C'est dans le carnet de Cristobal, dernier maillon de la descendance, que les mille histoires de cette étonnante lignée pourront, enfin, s'ancrer.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d'une extraordinaire famille dont la destinée s'entrelace à celle du Venezuela. -
Août 1944. Trente-sept officiers de renseignement alliés pénètrent au Block 17 du camp de Buchenwald. Parmi eux, le commandant Forest Yeo-Thomas, envoyé spécial de Churchill auprès des chefs intérieurs de la Résistance ; le capitaine Harry Peulevé, chef du réseau SOE Author basé en Corrèze ; le lieutenant Stéphane Hessel, agent des services secrets de la France libre.
Trois semaines après leur arrivée, le chef de block reçoit une première liste d'hommes à exécuter. Avec la complicité de la résistance clandestine du camp, elle-même divisée en factions rivales, ces trois officiers vont mettre au point un plan d'évasion aussi incertain que risqué : prendre l'identité des cobayes d'un block voisin, sacrifiés pour la mise au point d'un vaccin contre le typhus.
Voici le roman vrai de la mission de sauvetage la plus spectaculaire de l'histoire des camps. En neuf parties composées de courts fragments, et avec une économie de moyens et une maestria impressionnantes, Grégory Cingal nous plonge dans l'univers concentrationnaire et ses logiques d'alliances et de luttes pour la survie.
D'un souffle tour à tour glacial et lumineux, haletant et minutieux, il suit les jours tissés d'attentes d'angoisses, d'espoir et de courage d'une poignée d'hommes qui, parmi les triangles verts et les triangles rouges, les médecins SS et les kapos corrompus, tentent de sauver leurs peaux. Un conte macabre, une histoire d'amitié née dans la cendre et le sang, un chef d'oeuvre de style et de détails que seule la passion d'un auteur happé par son sujet pouvaient ainsi sublimer en un époustouflant roman. -
Paris, musée du XXIe siècle. Le dix-huitième arrondissement
Thomas Clerc
- Minuit
- 29 Août 2024
- 9782707355379
Le 18e arrondissement compte 425 rues, squares, places, avenues, cités, jardins, villas, boulevards, impasses et passages que Thomas Clerc a entrepris d'arpenter depuis qu'il y a emménagé récemment. Description totale, née de ses déambulations, dérives et notations, ce livre n'omet rien de ce que la ville laisse voir, entendre et ressentir.
De Montmartre aux abords du périphérique, des habitants de ses quartiers aux touristes égarés, des cafés aux dark stores, de la nuit au jour, l'ancien faubourg de Paris, insurgé sous la Commune, ne cesse de changer d'apparence, quand ce n'est l'auteur lui-même qui le refaçonne au gré de son périple. Le 18e se déroule comme une toile géante où chaque rue est un tableau vivant. -
Avril 2022. En arrivant un soir chez sa mère, Julia Deck trouve celle-ci étendue sur le sol de la salle de bains, victime d’un accident cérébral. Selon les médecins qui la prennent en charge, ses chances de survie sont infimes. Commence alors une longue attente, faite d’angoisse et d’espoir de convalescence, à travers le dédale des établissements de soins, sur fond de crise hospitalière. En parallèle, Julia Deck raconte la vie de cette femme, issue d’une famille ouvrière anglaise, passionnée de littérature, qui s’est élevée socialement, est venue vivre en France, tout en restant marquée par son milieu d’origine et en continuant d’entretenir avec sa famille d’Angleterre un rapport étroit, complexe. Car au milieu de cette histoire Julia décèle une étrangeté, peut-être un secret – une tache aveugle dans le récit de sa filiation. Mais à cette interrogation seule sa mère, précisément, pourrait répondre.
Un texte splendide sur les liens entre les mots et la vie, qui est aussi un geste d’amour bouleversant d’une fille envers sa mère. -
2097, la conquête spatiale est en passe de franchir une étape majeure. Trois vaisseaux rejoindront Titan, la plus grande lune de Saturne, avec cinquante-trois cuves d'azote liquide contenant le patrimoine génétique terrestre d'un million d'espèces. Mais le temps presse, devant la dégradation irrémédiable de notre planète Terre.
Depuis l'envoi réussi de la sonde Huygens sur Titan le 14janvier 2005, Élisabeth Filhol imagine une mission spatiale en direction de Titan. Sister-ship est construit en deux temps parallèles. D'une part le discours de Lee Wang (directeur de l'Agence spatiale internationale) pour le Congrès annuel d'astronautique à Darwin en 2082, qui annonce le lancement de ce vaste programme de sauvegarde du vivant, sur le modèle de la grande Arche biblique. Et d'autre part, quinze ans plus tard, le journal de bord de l'équipage de l'Olympic, un des trois vaisseaux jumeaux (sister-ships) en approche de Titan, le corps céleste qui ressemble le plus à ce qu'était notre Terre primitive dans tout le Système solaire. On accompagne les cinq astronautes sous la protection de Milena, l'intelligence artificielle de la mission, avec dans les soutes du vaisseau ce que la planète a de plus précieux, graines, spores et gamètes mâle et femelle de chaque espèce. Le contenu d'une cinquante-troisième cuve qui contient le génome humain a fait débat. Pourtant la mission de l'équipage est claire à son sujet. Mais comment se faire entendre à contre-courant du récit dominant? Que révèle cette épopée ambivalente de notre rapport au vivant, à la Terre, à notre destin d'humanité? C'est la question que vient poser le livre d'Élisabeth Filhol à ce grand discours, projeté avec une formidable précision romanesque. -
Je dis, en divisant chaque syllabe, en les plantant pour faire germer un nouveau monde, je dis aimez Gil. Aimez Gil. Une prière dans la voix la plus basse, la voix la plus insignifiante qui puisse être. Aimez Gil.
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Une jeune femme idéaliste comme on peut l'être à vingt ans arrive à Paris à la fin des années 1990. On la suit dans sa découverte d'un milieu intellectuel qui a tout d'une caste d'homme.
Elle y rencontre l'écrivain Alain Robbe-Grillet, imposant « Pape du Nouveau Roman », et son épouse Catherine, maîtresse-star de cérémonies sadomasochistes. Ils incarnent une certaine idée de la littérature et de la liberté sexuelle. Toutes choses auxquelles l'héroïne s'affronte tant bien que mal.
Raconté avec impertinence depuis aujourd'hui, son apprentissage, d'une drôlerie irrésistible, est un conte contemporain. Sa leçon est que la liberté s'exerce dans le jeu avec les autorités établies. Et sa morale, qu'il ne faut jamais sous-estimer les jeunes femmes. -
L'Absence est une femme aux cheveux noirs
Emilienne Malfatto, Rafael Roa
- Editions du Sous-Sol
- 5 Avril 2024
- 9782364687745
C'est un pays qui veut et qui ne veut pas se souvenir. Ce sont les fantômes de la dictature et les noyés d'un fleuve mensonger. C'est la recherche d'une forme de vérité et d'une mémoire fuyante dans les rues de Buenos Aires et dans les villes argentines où trente mille personnes ont disparu lors de la dernière dictature (1976-1983), et où des centaines d'enfants furent volés par les militaires pour éradiquer le "gène rouge'.
Quarante ans après le retour de la démocratie, dans un pays qui vient de voter contre lui-même, il manque encore des gens en Argentine. Les disparus le sont toujours. Les familles attendent. Certaines personnes ignorent qui elles sont réellement. Dans ce flou permanent, une femme, la narratrice, cherche à percevoir des fragments de cette mémoire voilée et volée sur une terre où, peut-être, s'est jouée une partie de sa propre histoire familiale.
L'absence est une femme aux cheveux noirs est fait d'images de flou et d'ombres, des photographies comme des éclairs de songes, et un texte fragmenté, comme des trous de mémoire, comme un monologue qui parfois s'emballe et devient fou. Et où, pourtant, tout est vrai.
Une déambulation littéraire et visuelle puissante, où les stigmates du passé se réveillent au contact d'un présent terrible. -
"Le visage de Jérémie était si insaisissable qu'on l'aurait dit en permanence nimbé d'une brume ou d'un brouillard : je tentais parfois de photographier cet homme sur le vif, mû par une forme d'urgence à garder des traces, des preuves. Le résultat était toujours décevant, quand il n'était pas un échec en bonne et due forme - le visage n'était pas complètement flou, mais quelque chose de sa physionomie échappait, il y avait sur ses joues, ses lèvres (sans parler des yeux), comme un tremblement léger qui empêchait qu'on reconnaisse tout à fait Jérémie, et quand je croyais le prendre en photo, je ne prenais en réalité que le tremblé de son absence. "
En se remémorant les moments vécus avec un ancien amant, le narrateur tente de percer le mystère de Jérémie. Qui était cet homme qu'il ne connaissait pas vraiment, et qu'il a aimé, peut-être ? -
Un roman original et éclairant, dont les personnages sont confrontés, comme nous, à un choix, face à la révolution technologique de notre temps.Quand on possède tout, l'argent, l'amour, la santé et un métier passionnant, on ne veut pas que la vie s'arrête. Adrien et Céline forment un couple de quadragénaires à qui tout réussit. Lui, créateur visionnaire de startups numériques, travaille à un programme qui offrirait aux humains un avenir illimité et sans souffrance. Elle, réalisatrice de documentaires, a abandonné ses idéaux révolutionnaires de jeunesse pour se conformer au mode de pensée libéral ambiant. Leur fille, Zoé, dix ans, ne tolère aucun contact humain et vide autant de flacons de gel hydroalcoolique qu'elle a d'amis sur une application de rencontres numérique pour enfants, autant dire beaucoup...
Un jour, Céline croise Pierre, son meilleur ami des années lycée. Il est libre, proche de la nature, convaincu que la beauté de notre destin tient justement à l'évanescence des choses.
En se rapprochant de Pierre, Céline se découvre. Il l'encourage à accepter le monde tel qu'il nous apparaît. Tandis qu'Adrien, voulant séduire de nouveau sa femme, lui propose une vie dématérialisée et éternelle. Entre le chantre de la liberté et le précurseur des temps modernes, entre se fondre dans le courant de la vie et participer à la liquidation générale, Céline devra choisir.
Ce roman brillant de Jennifer Richard, par son écriture incisive, sa narration sensible, son humour et sa lucidité, nous interroge, face à la révolution technologique qui bouleverse notre quotidien. Et nous place, comme Céline, devant deux options : embrasser l'existence telle qu'elle nous est donnée, ou tenter l'aventure d'une vie augmentée et infinie... -
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses soeurs, pour liquider l'héritage familial. En lui, c'est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre.
À travers lui, les voix du passé résonnent et l'interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique, happé par le trafic de drogue et la corruption d'un colonel de l'armée du roi Hassan II. À mesure que Youssef s'enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort. Frontière ultime de ce roman splendide, le Bastion des Larmes, nom donné aux remparts de la vieille ville, à l'ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib. " Notre passé... notre grande fiction ", médite Youssef, tandis qu'il s'apprête à entrer pleinement dans son héritage, celui d'une enfance terrible, d'un amour absolu, aussi, pour ses soeurs magnifiques et sa mère disparue. -
Journal intime d´un maître-chanteur
Philippe Vasset
- Flammarion
- Littérature française
- 21 Août 2024
- 9782080460554
Même avec la meilleure volonté du monde, les maîtres-chanteurs se font peu d'amis. Pour pallier la solitude, l'un d'entre eux s'est mis à écrire. Il raconte l'artisanat de la menace, les circonvolutions des rançons et l'Eldorado des réseaux sociaux. Il raconte surtout son association avec un groupe de jeunes femmes, et le talent dont elles font preuve dans l'art méconnu du racket. Mais pour faire oeuvre commune, il faut accepter de baisser la garde. L'ambition saura-t-elle éclipser l'habitude de la trahison ?
En mêlant subtilement fiction et enquête, Philippe Vasset poursuit avec ce Journal intime d'un maître-chanteur son exploration vive et féroce du monde contemporain et dévoile les pans habituellement cachés des regards. -
"Je ne peux pas dire ce qu'est l'amour. Je peux seulement dire ce qu'est la vie quand on aime. Je ne suis qu'un être qui touche et qui a touché. Je ne suis qu'un corps qui pleure et qui suinte. L'amour est factuel. Se lever d'un canapé pour aller sur un lit, c'est déjà dessiner l'amour.
Je vais essayer de dessiner L. mais je ne me souviens de rien, puisque l'amour ne se voit pas. Il est tout entrelacé de rien : le néant d'une odeur de jean, les respirations accélérées, un petit rictus de plaisir et la haine dans les yeux quand on a dit une chose qu'on n'aurait pas dû dire.
Je ne ferai pas l'effort de vous donner les clés. Il n'y en a pas. Il vous faudra juste vous atteler à suivre la même chose que moi. Elle."
La fille verticale raconte la passion entre deux femmes. De fuites en violences, elles dérivent dans Paris la nuit, comme la mémoire roule sans trêve sur les traces d'un amour fou.
De sa voix chaude, Elissa Alloula nous emporte dans le récit fort et déroutant du premier roman de Félicia Viti.
Couverture : © Bettina Diss -
Un jour de mai 1980, Ilaria, huit ans, monte dans la voiture de son père à la sortie de l'école. De petits hôtels en aires d'autoroute, l'errance dans le nord de l'Italie se prolonge. En pensant à sa mère, I'enfant se promet de ne plus pleurer. Elle apprend à conduire et à mentir, découvre Trieste, Bologne, l'internat à Rome, une vie paysanne et solaire en Sicile. Grâce aux jeux, à la radio, à Claudia, Isabella ou Vito, l'enlèvement ressemble à une enfance presque normale. Mais le père boit trop, fume trop il est un « guépard nerveux » dans un nuage de fumée. S'il la prend par la main, mieux vaut ne pas la retirer ; ni reculer son visage quand il lui pince la joue. Ilaria observe, ressent tout.
Dans une langue saisissante, rapide et précise, ce roman relate de l'intérieur l'écroulement d'une petite fille qui doit accomplir seule l'apprentissage de la vie.
Gabriella Zalapì est d'origines anglaise, italienne et suisse. Née à Milan, elle a également vécu à Genève et New York. Aujourd'hui elle habite à Paris. Son écriture réduite à l'essentiel a valu à son premier roman, Antonia (Zoé, 2019), le Grand prix de l'heroine Madame Figaro 2019 et le Prix Bibliomedia 2020. Willibald (Zoé, 2022), un roman sur l'exil autour du sacrifice d'Abraham, a confirmé l'importance d'une oeuvre saluée par la critique.